"Aidez-moi à comprendre", lance à quelque 600 collégiens le dessinateur Emmanuel Chaunu, qui travaille notamment pour Ouest-France et des journaux champenois, et qui cherche des explications au buzz provoqué par une de ses récentes livraisons.
Sur de grands écrans, on projette ce dessin, publié dans L'Union de Reims (Marne) et dans L'Est-Éclair de Troyes (Aube) et qui a valu à Chaunu non seulement des insultes mais aussi des menaces de mort.
Il montre le petit enfant syrien Aylan, échoué sur une plage de Bodrum en Turquie, tel qu'il apparaît sur les photos qui ont fait le tour du monde. Sans le caricaturer, il lui a simplement mis un cartable dans le dos avec comme seule légende: "C'est la rentrée".
Chaunu se défend de toute provocation. "C'est un dessin-hommage", plaide-t-il expliquant qu'il a mis en parallèle le décalage entre l'importance médiatique donnée en France à un marronnier, et le drame de la guerre en Syrie et en Irak.
"Cet enfant, ce pourrait être le mien, il ne fera jamais sa rentrée", poursuit-il. Pourquoi alors tant de haine vis-à-vis de ce dessin' Sollicités, les collégiens ont du mal à expliquer le déchaînement qui s'est produit sur les réseaux sociaux.
- Explications de texte -
Un premier se lance: "Il y a la majorité silencieuse qui regarde simplement et ceux qui sont méchants et veulent critiquer en mettant des commentaires." Une collégienne intervient: "Certains n'ont pas compris qu'on mette en parallèle une rentrée et la mort comme si c'était quelque chose de commun."
- "Certains ont cru que c'était une critique des migrants", avance un autre adolescent.
- "Vous ne pensez-pas que cela pourrait être mon enfant'" interroge le dessinateur.
- "Non", répond l'air désolé le collégien. "Vous auriez dû expliquer davantage votre message", poursuit-il, semblant réclamer toute une légende de décryptage.
Même incompréhension du dessin parmi des collégiens qui n'ont pas pris la parole, à la sortie de cette rencontre. "J'ai compris seulement après l'explication", admet auprès de l'AFP Meriem, 15 ans, avant de regagner le bus qui va la ramener au collège.
"La mort d'un enfant reste taboue en France. Ils n'ont pas les clés pour comprendre", commente Thomas, un assistant d'éducation.
Trente-cinq dessinateurs venus du monde entier participent à ces rencontres qui devaient avoir lieu en avril mais ont été repoussées en raison de la trop grande proximité dans le temps avec l'attentat du 7 janvier contre Charlie Hebdo qui a fait 12 victimes dont les dessinateurs Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré et Charb, le rédacteur en chef.
La conférence inaugurale devait avoir lieu en soirée avec le philosophe de Caen, Michel Onfray, sur le thème: "le 7 janvier est-il notre 11 septembre'"
Un hommage aux victimes de Charlie sera rendu via une fresque de la taille de la tapisserie de Bayeux qui sera réalisée par les dessinateurs présents. 
